Le sommeil et le cerveau

Dans cet article, nous allons découvrir ce qu’est le sommeil, explorer les stades du sommeil et l’activité électrique correspondante dans le cerveau. Nous nous plongerons ensuite dans les subtilités de la neurobiologie du sommeil, les effets du sommeil sur le corps et le cerveau, les conséquences de la privation de sommeil et nous finirons, enfin, par le plus important : ce que vous pouvez faire pour améliorer votre sommeil et protéger votre santé. Vous allez tout savoir sur le sommeil et le cerveau.

le sommeil et le cerveau
Le sommeil et le cerveau

La science du sommeil

La physiologie du sommeil

Le sommeil est un élément essentiel de la vie. En dormant en moyenne huit heures par nuit, nous passons un tiers de notre vie à dormir. Nous avons l’habitude de penser que le sommeil est un processus passif, mais il s’avère que votre cerveau est en fait extrêmement actif pendant le sommeil.

En moyenne, un adulte en bonne santé a besoin de sept heures et demie à huit heures de sommeil pour être en forme. Certaines personnes ont besoin de plus d’heures de sommeil, comme les femmes enceintes, par exemple. D’autres ont besoin de moins de sept heures, mais ce sont généralement des exceptions à la règle. Pourtant, depuis plusieurs décennies, la tendance est à la réduction de notre temps de sommeil et nous dormons tous aujourd’hui, et en moyenne, nettement moins de huit heures par nuit (nous y reviendrons plus tard).

Tout au long de la vie, nos besoins en sommeil évoluent. Si vous considérez les nourrissons, par exemple, il semble qu’ils dorment tout le temps, c’est parce que les nourrissons ont besoin d’environ 16 à 20 heures de sommeil par jour. Lorsqu’ils sont en bas âge, ce besoin diminue à environ 12 à 14 heures et les adolescents ont besoin d’environ 10 heures de sommeil par jour.

Les cycles du sommeil

Une nuit de sommeil normale se compose de cinq stades. Les stades 1 à 4 composent ce que l’on appelle le sommeil non paradoxal. Le cinquième stade est celui du sommeil paradoxal ou REM en anglais (pour Rapid Eye Movement Sleep car c’est la période du sommeil au cours de laquelle les yeux bougent).

Pendant le sommeil non paradoxal, de nombreuses fonctions réparatrices du sommeil sont activées. Le sommeil paradoxal, quant à lui, traite les souvenirs et les pensées de la journée écoulée.

Le sommeil progresse de manière cyclique en passant des stades 1 à 4 puis vers le sommeil paradoxal pour ensuite redémarrer un cycle au stade 1. Un cycle complet dure environ 90 à 110 minutes. Les premiers cycles comportent des périodes de sommeil paradoxal relativement courtes et, au fur et à mesure que la nuit avance, la part de sommeil paradoxal augmente dans chaque cycle.

Le stade 1 correspond à la phase d’endormissement et vous pouvez vous y sentir dériver. Au cours de ce stade, les mouvements oculaires sont lents et répétitifs. Le stade 1 n’est qu’une introduction au sommeil.

Vous passez l’essentiel de votre sommeil entre le stade 2 et le sommeil paradoxal. Au stade 2, vous êtes dans un sommeil lent et léger. Les mouvements oculaires s’arrêtent et l’activité cérébrale globale ralentit un peu. A ce stade, le dormeur est encore très sensible à l’environnement extérieur. Les stades 3 et 4 sont appelés sommeil lent et profond. Il est difficile de réveiller une personne dans cet état. Mais, contrairement aux apparences, c’est une phase très active du sommeil, car elle est régénératrice. Le stade 4 est caractérisé par des ondes électriques très lentes et de grande amplitude.

Le dernier stade, le sommeil paradoxal, quant à lui, représente environ 20 % de votre temps de sommeil. Cette phase s’appelle « sommeil paradoxal » car le rythme cardiaque et la respiration s’accélèrent, tandis que les yeux se mettent à bouger rapidement, d’où le nom anglais de ce stade : REM (Rapid Eye Movement).

À ce stade, on a l’impression d’être éveillé, mais les muscles sont en fait paralysés. Le cerveau est très actif, mais désynchronisé du reste du corps. Si vous avez déjà eu un épisode de paralysie du sommeil où vous vous réveillez et ne pouvez plus bouger, vous étiez probablement en sommeil paradoxal. C’est également le stade du sommeil où se produisent les rêves.

En vieillissant, nos besoins en matière de sommeil changent : le nombre d’heures nécessaires pour être en forme évolue, mais aussi la qualité du sommeil. Les personnes âgées, par exemple, ont beaucoup moins de sommeil paradoxal et leur sommeil est beaucoup plus fragmenté, car celui-ci passe souvent du stade de l’éveil à celui du sommeil paradoxal. Elles ont également moins de sommeil lent ou de sommeil profond qu’un jeune adulte.

Quel est le mécanisme biologique qui contrôle ces cycles de sommeil apparemment bien orchestrés ?

La biologie de l’éveil et du sommeil

Cette section est technique et n’est donc pas la plus passionnante : n’hésitez pas à la passer si vous ne cherchez pas à comprendre les mécanismes biologiques en jeu.

Le rôle des neurotransmetteurs

Pour favoriser l’éveil dans notre cerveau, plusieurs neurotransmetteurs sont impliqués, notamment l’adénosine, la noradrénaline, l’histamine, la dopamine, la sérotonine et l’acétylcholine.

L’adénosine est une protéine qui s’accumule pendant l’éveil. Lorsqu’elle atteint un certain seuil, elle provoque la somnolence et l’endormissement. La caféine est capable de bloquer les récepteurs de l’adénosine et donc de bloquer son effet, c’est pourquoi boire du café favorise l’éveil.

L’histamine, à l’inverse, est l’un des plus importants neurotransmetteurs favorisant l’éveil. C’est pourquoi les antihistaminiques, comme les médicaments contre les allergies, provoquent la somnolence.

La dopamine et la sérotonine sont également impliquées dans le sommeil, mais par des mécanismes différents et trop complexes pour être résumés en quelques lignes. Ces neurotransmetteurs se projettent du tronc cérébral et du cerveau antérieur vers différentes zones du cortex. Leur taux d’activation est le plus élevé à l’état de veille, il diminue pendant le sommeil non paradoxal, puis cesse complètement pendant le sommeil paradoxal.

L’hypothalamus, arbitre principal

L’hypothalamus est la zone du cerveau qui orchestre tous ces neurotransmetteurs et favorise l’excitation, et donc l’éveil. Ce sont les neurones de l’hypothalamus qui stimulent les centres d’éveil ainsi que le cortex cérébral.

A l’intérieur de l’hypothalamus se situe le noyau préoptique ventrolatéral (VLPO en anglais). Le VLPO, lui, inhibe l’activité des centres d’éveil et favorise le sommeil.

La capacité à rester dans un état stable, qu’il soit éveillé ou endormi, est due à un processus appelé inhibition mutuelle. Cela fonctionne un peu comme une balançoire. Les zones du cerveau qui sont responsables de l’éveil inhibent les centres du sommeil et vice versa. Le cerveau passe donc alors de l’état d’éveil au sommeil non paradoxal, puis au sommeil paradoxal.

Souvenez-vous que l’activité cérébrale est élevée pendant le sommeil paradoxal. Si vous observiez une personne endormie dans une machine IRM vous verriez que, pendant le sommeil paradoxal, le cingulum antérieur, l’amygdale, l’hypothalamus sont activés. Ce sont les structures impliquées dans la régulation et le traitement des émotions, tandis que le cortex frontal, qui intervient dans le raisonnement, a un niveau d’activité réduit pendant cette phase. C’est pour cette raison que les rêves sont souvent bizarres et n’ont pas de sens.

Lorsque vous passez en sommeil paradoxal, l’équilibre des neurotransmetteurs passe d’une prédominance de la sérotonine et de la noradrénaline à une prédominance de l’acétylcholine. C’est pourquoi vous êtes paralysé pendant le sommeil paradoxal.

Comment passe-t-on du sommeil à l’état d’éveil ?

Il existe deux mécanismes puissants qui s’équilibrent et interagissent l’un avec l’autre pour provoquer ce phénomène : la pression homéostatique du sommeil et le rythme circadien.

Au fur et à mesure que la journée avance, la pression de sommeil homéostatique est régulée par les hormones du corps. Le cortisol diminue et la mélatonine augmente pour déclencher l’endormissement.

Le rythme circadien, lui, est piloté par une horloge interne appelée noyau suprachiasmatique (situé à l’intérieur de l’hypothalamus), qui contrôle les habitudes de sommeil du corps. Vos yeux transmettent des informations sur la lumière et l’obscurité au noyau suprachiasmatique, qui synchronise vos rythmes avec votre environnement extérieur. Il existe également d’autres horloges circadiennes locales, présentes dans différentes régions du cerveau et dans tout le corps. Elles génèrent des rythmes par le biais de l’expression des gènes, du métabolisme et d’autres activités physiologiques.

Au fur et à mesure que la journée avance, l’activité de la pression homéostatique de sommeil augmente, tandis que votre horloge circadienne se relâche et permet au sommeil de se produire à l’heure du coucher. Dans la phase suivante, pendant votre sommeil, la production de mélatonine se poursuit tandis que la pulsion homéostatique de sommeil diminue. Enfin, juste avant le réveil, la production de mélatonine s’arrête, ce qui stimule l’éveil circadien, et le cycle recommence avec une phase d’éveil.

Que se passe-t-il pendant le sommeil

Comme vous le savez maintenant, le sommeil est un processus actif et non passif. Regardons maintenant plus en détail les fonctions biologiques actives pendant le sommeil.

Le sommeil et le « nettoyage » de notre cerveau

Nous avons très récemment découvert que le cerveau contient une structure appelée système glymphatique qui fonctionne principalement pendant le sommeil et qui est inactive ou très peu active pendant l’éveil.

Le système glymphatique agit comme un système de gestion des déchets pour notre système nerveux central. Il se dilate pendant le sommeil et se contracte pendant l’éveil. Une expérience (dont le lien est à retrouver dans les références en fin d’article) utilisant l’imagerie sur des souris vivantes a montré que le sommeil, qu’il soit naturel ou induit par une anesthésie, est associé à une augmentation de 60 % de la taille du système glymphatique.

Ce phénomène est à son tour associé à une augmentation du liquide interstitiel et à un taux accru d’élimination de la bêta-amyloïde pendant le sommeil. La bêta-amyloïde est une protéine qui s’accumule dans le cerveau et dont la trop forte concentration dans le cerveau est liée à l’apparition de la maladie d’Alzheimer.

Tout cela signifie que le sommeil a véritablement une fonction réparatrice, car il aide à débarrasser le cerveau des protéines accumulées et des déchets potentiellement neurotoxiques qui peuvent contribuer au vieillissement malsain et aux troubles neurocognitifs.

Le sommeil et la mémoire

L’une des fonctions les plus importantes du sommeil est son effet sur l’apprentissage et la mémoire. La mémoire n’est pas une entité unique, il en existe différents types formés dans différentes parties du cerveau. Elle est généralement divisée en deux catégories :

1/ La mémoire déclarative (ou explicite), qui est une mémoire consciente, comme la répétition d’un numéro de téléphone ou d’un nom pour vous aider à vous en souvenir. Ce type de mémoire est encodé dans l’hippocampe.

2/ Le second type est la mémoire non déclarative, ou mémoire implicite, qui vous permet d’apprendre à faire du vélo, par exemple.

Il s’avère que le sommeil joue un rôle clé dans la formation de la mémoire (plusieurs études le confirment : voir les liens dans la partie références). Le sommeil lent et profond semble être le principal contributeur à la consolidation de la mémoire déclarative.

Le sommeil joue-t-il un rôle dans la mémoire non déclarative ?

De solides données permettent d’affirmer que le sommeil joue un rôle important, notamment dans les domaines de l’apprentissage moteur, visuel et auditif. Dans certaines études, des sujets humains ont appris une tâche de motricité manuelle, puis ont été divisés en groupes, l’un apprenant la tâche le matin et l’autre le soir.

Il a été découvert qu’une fois le sommeil introduit entre l’apprentissage et le test, les sujets obtenaient de bien meilleurs résultats après le sommeil et retenaient beaucoup plus de choses que s’ils étaient entraînés le matin et testés le soir sans période de sommeil entre les deux.

L’étude a également révélé que la privation de sommeil interférait avec l’apprentissage, en particulier si le stade 2 du sommeil était perdu, et que l’apprentissage était beaucoup plus important lorsque les phases du stade 2 étaient plus longues.

Des expériences similaires ont été réalisées pour l’apprentissage visuel et auditif. Là aussi, les sujets obtenaient de bien meilleurs résultats après une nuit de sommeil, ou parfois même après une sieste.

Le sommeil et les hormones

Les niveaux d’hormones dans le corps sont déterminés par le sommeil. Par exemple, le cortisol, qui est une hormone du stress, augmente au petit matin pour vous réveiller alors qu’elle est supprimée par le sommeil.

Une autre hormone importante qui est fortement affectée par le sommeil est l’hormone de croissance. L’hormone de croissance est responsable de la croissance chez les enfants et est importante tout au long de la vie pour réparer les tissus. La sécrétion de l’hormone de croissance est maximale la nuit, pendant le sommeil lent et profond.

Les hormones thyroïdiennes suivent également le cycle du sommeil. Leur activité atteint un pic après minuit et diminue pendant la journée.


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Le manque de sommeil : une tendance de fond qui est la cause de problèmes de santé

Comment étudie-t-on le sommeil ?

Nous avons à notre disposition l’étude classique du sommeil : un individu se porte volontaire pour aller au laboratoire du sommeil, où il est branché à plusieurs fils pour étudier son sommeil.

Cela comprend un EEG (électroencéphalographe) pour observer les ondes cérébrales, un ECG (électrocardiographe) pour surveiller le cœur, et des électrodes placés sur les jambes et le menton pour surveiller l’activité musculaire. Nous mesurons également la saturation en oxygène, ce qui est particulièrement utile en cas d’apnée du sommeil.

Il existe aujourd’hui des appareils portables, comme votre téléphone portable, qui comptent vos pas. Ils sont légers, petits, et beaucoup moins intrusifs qu’une étude du sommeil. Ils mesurent la durée et la fréquence de votre activité pendant le sommeil, et notamment les mouvements de vos jambes.

Le manque de sommeil : une tendance forte et internationale

Dans les années 1990, près de 70% des Américains dormaient sept à huit heures par nuit. Aujourd’hui, dans certaines régions des États-Unis, jusqu’à 50% de la population est considérée comme privée de sommeil, et environ 30% a moins de six heures de sommeil. Nous observons les mêmes tendances en Europe et dans le monde. Des dizaines de millions de personnes sont considérées comme souffrant d’un trouble du sommeil.

L’insomnie est le trouble spécifique du sommeil le plus courant, avec des problèmes de courte durée signalés par environ 30% des adultes, et des rapports d’insomnie chronique chez environ 10% des adultes.

Parce qu’ils sont associés à de nombreuses autres maladies, comme nous le verrons, les effets de la perte de sommeil et des troubles du sommeil représentent un problème de santé publique insuffisamment reconnu et dont on ne s’occupe pas suffisamment.

Les causes du manque de sommeil

Étonnamment, la cause la plus courante est simplement le fait de ne pas aller se coucher. Les gens pensent qu’ils doivent être productifs, ou que le sommeil est inutile. La multiplication des écrans au cours de la dernière décennie (smartphones, tablettes, ordinateurs portables de plus en plus légers) a également pour effet que nous sommes de plus en plus nombreux à être stimulés jusque tard le soir et même juste avant d’aller nous coucher. Une mauvaise hygiène du sommeil et le stress jouent également un rôle important.

De nombreux sondages montrent que de très nombreuses personnes perdent du sommeil à cause du stress au travail. Un sondage de 2018 aux Etats-Unis montre que 15% des personnes perdaient « très fréquemment » le sommeil et 29% de plus « assez souvent » à cause du stress au travail. Cela représente 44% des sondés ! Une étude sur le stress en Grande-Bretagne en 2020 montre des résultats similaires : 43% des sondés confessent perdre le sommeil à cause du stress (vous trouverez les liens vers les articles et les sondages dans la section Références).

Au-delà des problèmes liés au stress ou à notre hygiène de vie, il existe des personnes qui souffrent de troubles cérébraux qui affectent l’architecture du sommeil.

Il faut également savoir que toutes les maladies, quelles qu’elles soient, contribuent également à un mauvais sommeil. L’apnée du sommeil, par exemple, est souvent associée à l’obésité, et la ménopause provoque des bouffées de chaleur et donc un mauvais sommeil. Les douleurs chroniques ou les troubles digestifs empêchent également de passer une bonne nuit de sommeil.

Les symptômes du manque de sommeil

Les personnes qui manquent de sommeil ont généralement besoin d’un réveil pour se réveiller. Par contre, elles s’endorment dès qu’elles touchent l’oreiller, alors que les personnes bien reposées et non privées de sommeil ont en moyenne besoin de 15 minutes au lit pour s’endormir.

D’autres signes de manque de sommeil sont la facilité à faire des siestes, l’irritabilité, la facilité à tomber malade, comme par exemple à attraper un rhume bénin.

La cause la plus courante du manque de sommeil est l’insomnie chronique. Cela signifie simplement que l’on ne dort pas assez la nuit pour se sentir reposé le lendemain. Souvent, les personnes qui rencontrent ce problème utilisent des somnifères sous forme de médicaments en vente libre ou sur ordonnance pour s’endormir. L’insomnie peut être causée par l’incapacité de s’endormir, par le fait de se réveiller au milieu de la nuit et d’avoir du mal à se rendormir, ou même par le fait de se réveiller trop tôt.

L’apnée du sommeil

L’apnée obstructive du sommeil est un autre fardeau majeur pour la santé publique, car elle peut augmenter le risque de nombreuses autres maladies comme l’hypertension, les maladies cardiaques, les accidents vasculaires cérébraux et la dépression. Un patient souffrant d’apnée obstructive du sommeil arrête tout simplement de respirer pendant son sommeil. Cela peut être dû à plusieurs facteurs, notamment l’obésité ou un problème anatomique au niveau des voies aériennes supérieures (nez, bouche, pharynx, larynx).

Jusqu’à 50 % des personnes souffrant d’apnée du sommeil ont également un diabète non diagnostiqué.

Ces épisodes d’apnée répétés peuvent se produire des centaines de fois au cours de la nuit, provoquant des micro-éveils qui entraînent un sommeil non réparateur. Vous pouvez vous dépister pour l’apnée du sommeil en répondant au questionnaire STOP-Bang. Il s’agit d’une liste de questions portant notamment sur votre poids, vos ronflements, votre état de fatigue pendant la journée, le fait que quelqu’un vous ait vu arrêter de respirer, etc. Vous obtiendrez ainsi un score qui est en corrélation avec le risque d’apnée du sommeil (vous trouverez un lien pour un tel questionnaire en français dans les références en fin d’article).

Un autre questionnaire utile est l’échelle de somnolence d’Epworth qui recherche les signes d’un trouble général du sommeil. Vous retrouverez une version en français de ces deux questionnaires dans la section Références.

Les principaux risques de santé liés au manque de sommeil

Les centres pour le contrôle et la prévention des maladies (ou CDC : ils forment la principale agence fédérale des Etats-Unis en matière de protection de la santé publique) ont fourni des statistiques sur le manque de sommeil aux États-Unis.

Ces statistiques sont étrangement similaires aux données sur l’obésité, le diabète et même les accidents vasculaires cérébraux (AVC) aux États-Unis. Ce n’est pas le fruit d’une simple coïncidence. Le manque de sommeil est associé à une augmentation de l’hypertension, des maladies cardiaques, de la prise de poids et de la résistance à l’insuline ou du diabète.

Une autre publication du CDC illustre la prévalence de la détresse mentale et de la dépression aux États-Unis. Les effets du manque de sommeil ne se résument pas à des sautes d’humeur ou une attitude grincheuse : le manque de sommeil affecte négativement l’ensemble de votre organisme.

Outre ces maladies chroniques, le manque de sommeil est également associé à une mauvaise qualité de vie, à des dysfonctionnements diurnes, à des coûts économiques plus importants en raison de la perte de productivité, et aussi à une mortalité plus élevée.

Les maladies chroniques associées au manque de sommeil

Examinons quelques données qui ont mis en évidence l’association entre le manque de sommeil et quelques maladies chroniques.

Manque de sommeil et obésité

Une étude a porté sur 11 jeunes hommes en bonne santé (vous trouverez le lien dans les Références). Ils avaient tous une durée de sommeil d’environ 8 heures. On a demandé à ces sujets de respecter des heures de coucher et de repas fixes, les siestes n’étant pas autorisées. Il leur a été demandé de ne pas s’écarter du programme de plus de 30 minutes.

L’activité de repos était surveillée en permanence pour s’assurer du respect des règles. Chaque sujet a ensuite passé 16 nuits consécutives dans un centre de recherche clinique, dont 3 nuits avec 8 heures de sommeil, 6 nuits avec 4 heures de sommeil et 7 nuits avec 12 heures de sommeil.

Le sommeil a été enregistré au cours de chaque nuit. L’apport calorique était à chaque fois le même (quel que soit le nombre d’heures de sommeil) et comprenait des repas riches en glucides identiques. Aucune nourriture extérieure n’était autorisée. Des prises de sang ont été réalisées au cours des 24 heures qui ont suivi les périodes de sommeil de quatre heures et de douze heures.

La leptine, l’hormone qui signale à votre corps que vous êtes rassasié, a été mesurée à chaque fois. Lorsque le sommeil était limité à quatre heures, les niveaux moyens de leptine étaient inférieurs de près de 20 % par rapport à la période où sommeil était prolongé jusqu’à 12 heures. Cette différence de 20 % s’est produite en l’espace de 24 heures seulement, malgré un apport calorique et une activité physique similaires. Cela prouve que le corps des participants recevait un faux signal indiquant qu’ils n’étaient pas rassasiés et qu’ils avaient besoin de plus de carburant sous forme de calories.

Les niveaux de leptine et de cortisol, l’hormone du stress, ont varié en miroir tout au long du cycle de 24 heures lorsque les sujets étaient pleinement reposés alors que, pendant la période de restriction de sommeil, une relation inversée s’est installée entre la leptine et le cortisol, surtout pendant la journée. En état de manque de sommeil, cette relation en miroir entre la leptine et le cortisol était perdue. Cette étude montre que le manque de sommeil altère les mécanismes de signalisation de l’organisme pour indiquer quand il a eu assez de calories.

Le manque de sommeil vous pousse à manger plus que ce qui est nécessaire pour vos besoins quotidiens, et conduit à l’obésité.

Manque de sommeil et diabète

Cette étude a également montré une modification du métabolisme du glucose après le petit-déjeuner. Après avoir pris le petit-déjeuner, les niveaux de glucose, pendant les 90 minutes suivantes, étaient beaucoup plus élevés après une nuit de sommeil de quatre heures qu’après une nuit de sommeil de douze heures, malgré des niveaux d’insuline similaires. C’est un signe de résistance à l’insuline qui peut rapidement conduire à l’obésité et au diabète.

Dans une autre étude du même groupe de recherche, une corrélation directe a été établie entre les niveaux de leptine, ou hormone de la satiété, et les niveaux de ghréline, ou hormone de la faim. Ces signaux hormonaux ne fonctionnent manifestement pas correctement lorsque le cerveau est en état de privation de sommeil.

Non seulement l’hormone de satiété, la leptine, diminue, signalant au cerveau que le corps a besoin de plus d’énergie, mais les niveaux de ghréline augmentent, signalant une plus grande faim. Cela entraîne une augmentation de l’appétit et constitue une corrélation claire entre le manque de sommeil et l’obésité.

Le manque de sommeil provoque une augmentation de l’inflammation

La privation de sommeil, même à court terme, entraîne une augmentation de l’inflammation, qui conduit aux maladies cardiaques. C’est le cas de la privation de sommeil due à des troubles du sommeil comme l’apnée obstructive du sommeil et la narcolepsie, qui entraîne une intrusion anormale du sommeil paradoxal et du sommeil non paradoxal l’un dans l’autre, et provoque une somnolence diurne excessive.

Des études ont montré que la privation de sommeil entraîne non seulement une augmentation de l’inflammation ou des marqueurs inflammatoires, mais aussi que ces marqueurs inflammatoires ne reviennent pas au niveau de base après une brève période de repos. Cela signifie que même si vous dormez bien une nuit sur deux, vous continuez à accumuler un nombre croissant de marqueurs inflammatoires.

Le manque de sommeil et la dépression

L’inflammation et la dépression vont de pair. Il a été démontré que la privation de sommeil est clairement liée à la dépression. Une étude a soumis de jeunes adultes à un sommeil réduit de 50% pendant une semaine.

Comme point de départ, l’humeur, la vitalité générale et la fatigue ont été mesurées pendant les deux premiers jours. La privation de sommeil a ensuite été instituée pendant sept jours. La dépression augmentait progressivement et sensiblement au fur et à mesure que la privation de sommeil se prolongeait. Les patients se sentaient non seulement physiquement fatigués, mais aussi stressés et mentalement épuisés.

Le manque de sommeil entraîne une accélération du vieillissement général du cerveau et une diminution des fonctions cognitives. Dans une étude récente, des adultes âgés de 55 ans et plus ont été recrutés et divisés en deux groupes : les gros dormeurs, qui dormaient sept heures ou plus, et les petits dormeurs, qui dormaient très peu. Cette étude les a suivis pendant deux ans, puis a mesuré la fonction cognitive globale et les volumes cérébraux.

Cette étude a révélé qu’en moyenne, les personnes qui dorment peu perdent des tissus cérébraux beaucoup plus rapidement que celles qui dorment longtemps, et ont également tendance à perdre des capacités cognitives.

Comment prendre soin de notre cerveau avec le sommeil ?

La raison la plus courante du manque de sommeil, comme nous l’avons dit précédemment, est une mauvaise hygiène du sommeil. La première chose à faire est donc de commencer par votre environnement de sommeil. Assurez-vous que votre chambre à coucher est plongée dans l’obscurité et évitez les lumières artificielles vives avant d’aller vous coucher, tout particulièrement au cours de l’heure (voire des deux heures) avant d’aller se coucher.

Evitez tout particulièrement la lumière bleue et vive émanant des appareils électroniques : il est préférable d’arrêter d’utiliser des appareils électroniques 45 à 60 minutes avant d’aller se coucher. Si vous devez utiliser votre appareil, disons que vous lisez des livres électroniques sur un appareil, essayez d’avoir un éclairage minimal et installez une application filtrant la lumière bleue.

Veillez également à ce que votre environnement ne soit pas bruyant. Si ce n’est pas possible, essayez de porter des bouchons d’oreille.

La température de la pièce est un autre élément important. Essayez de régler la température de votre chambre entre 18 et 20 degrés Celsius. Idéalement, vous voulez dormir dans un environnement plus frais.

Un autre élément à prendre en compte est votre régime alimentaire. Évitez l’alcool le soir, car il perturbe l’architecture normale du sommeil et provoque un sommeil non réparateur. Évitez également les stimulants comme la caféine et la nicotine, surtout en deuxième partie de journée. Buvez plutôt des tisanes, comme la valériane ou la passiflore, dont de petites études ont montré qu’elles favorisaient le sommeil.

La prise de magnésium est également utile, non seulement pour la relaxation, mais aussi pour aider les personnes souffrant du syndrome des jambes sans repos.

L’exercice physique est aussi excellent pour la santé du cerveau. Toutefois, un exercice vigoureux le soir peut entraîner une augmentation de la dopamine et de l’adrénaline, ce qui nuit au sommeil. Il est préférable de faire des exercices légers ou modérés le soir.

La relaxation musculaire progressive est également un outil efficace pour aider à relâcher les tensions avant de dormir. L’essentiel est que vous dirigiez votre attention vers vos muscles par groupes individuels pour relâcher leur tension un par un. Vous passez progressivement de votre tête à vos bras, à vos jambes et terminez par vos orteils.

Comment soigner l’insomnie ?

L’un des outils les plus efficaces et les plus sûrs pour lutter contre l’insomnie est la Thérapie Cognitivo-Comportementale (TCC). Des essais cliniques ont montré que la TCC est aussi efficace que les médicaments pour traiter l’insomnie, sans en avoir les effets secondaires. Elle s’appuie sur deux pratiques, la première étant le contrôle des stimuli et la seconde la thérapie de restriction du sommeil.

Le contrôle des stimuli signifie que vous utilisez le lit uniquement pour dormir. Rien d’autre, à part peut-être le sexe. Vous n’êtes pas autorisé à vous allonger dans le lit avec votre téléphone ou à lire un livre.

Le but du contrôle des stimuli est de provoquer un conditionnement, c’est-à-dire que vous associez votre lit au sommeil. Au début, cela peut s’avérer très difficile, car vous pouvez vous sentir fatigué, vous mettre au lit, puis être tout à fait éveillé. Dans ce cas, sortez de votre lit et allez vous asseoir ailleurs ou marcher pendant environ 30 minutes avant de vous recoucher.

La thérapie de restriction du sommeil est exactement ce que l’on entend par là : restreindre le sommeil. Vous vous dites peut-être : « Mais j’essaie de m’endormir ! ». Souvent, les gens laissent de mauvaises habitudes se glisser dans leur vie, comme faire une sieste à midi ou dormir tôt. Mais ensuite, on se réveille à 3 heures du matin et on reste debout le reste de la nuit, pour être de nouveau fatigué à midi.

La thérapie de restriction du sommeil signifie que vous n’êtes pas autorisé à faire des siestes et que vous devez vous coucher à une heure qui vous permet de vous réveiller environ 7 heures et demie à 8 heures plus tard. Disons que vous devez vous réveiller à 7 heures du matin pour aller travailler.

Avec la thérapie de restriction du sommeil, vous ne vous autoriserez pas à vous coucher avant 23 heures, ce qui vous permettra de dormir huit heures. Il existe désormais des programmes et des applications de formation à la TCC en ligne qui peuvent vous apprendre à pratiquer la TCC de chez vous.

Si vous pensez souffrir d’un trouble du sommeil qui pourrait bénéficier d’autres modalités de traitement, n’hésitez pas à consultez un spécialiste du sommeil

N’oubliez pas que vous pouvez répondre aux questionnaires mentionnés plus haut (et que vous trouverez dans les références).

Ce qu’il faut retenir sur le sommeil et le cerveau

Le sommeil est primordial pour la santé de notre cerveau (et de tout notre corps).

Pour un meilleur sommeil, assurez-vous que votre chambre à coucher est dans l’obscurité, évitez les lumières vives, et surtout les écrans digitaux, au moins une heure avant d’aller vous coucher. Dormez dans une pièce fraîche et sans bruit. Évitez l’alcool et le café en fin d’après-midi et en soirée. La prise de magnésium peut aider. Pratiquez une activité physique, mais elle ne doit pas être intense si elle est pratiquée en soirée. Enfin, la pratique de la relaxation musculaire progressive peut vous aider avant d’aller vous coucher.

Décidez d’appliquer quelques-uns de ces conseils pour un meilleur sommeil.

Décidez de changer une poignée de vos habitudes. Suivez nos conseils et améliorez votre santé, petit à petit, une habitude à la fois. 

Références

Questionnaires (en français)

Questionnaire STOP-Bang utile pour évaluer un si vous avez un risque d’apnée du sommeil : https://www.ateliers-sommeil-arcachon.net/sites/default/files/bibliotheque/Outils%20pratiques/stop_bang.pdf

Questionnaire de l’échelle de somnolence d’Epworth : https://www.infosommeil.ca/epworth/

Articles (en anglais)

Publication scientifique du 18 octobre 2013 qui explore l’efficacité du système glymphatique pendant le sommeil lent et qui a fourni la première preuve directe que le nettoyage des déchets interstitiels augmente pendant l’état de repos : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3880190/

Publication scientifique de 1997 intitulée « Effets du sommeil nocturne précoce et tardif sur la mémoire déclarative et procédurale » : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23968216/

Publication scientifique de 2006 intitulée « Le rôle du sommeil dans la consolidation de la mémoire déclarative : passif, permissif, actif ou aucun ? » : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/17085038/

Publication scientifique de 2015 intitulée « La mémoire explicite et implicite pendant le sommeil » : https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/sbr.12129

Article de 2018 sur un sondage aux Etats-Unis et intitulé « Une enquête révèle que le stress au travail empêche les gens de dormir » : https://www.safetyandhealthmagazine.com/articles/16774-work-stress-is-keeping-people-up-at-night-survey-shows

Article « L’enquête 2020 sur le stress au travail au Royaume-Uni » : https://www.perkbox.com/uk/resources/library/2020-workplace-stress-survey

Une synthèse sur la relation entre les le manque de sommeil et les maladies chroniques sur la base de plusieurs études et publiée par les CDC (Les centres pour le contrôle et la prévention des maladies aux Etats-Unis) : https://www.cdc.gov/sleep/about_sleep/chronic_disease.html

Liste des troubles du sommeil et leurs symptômes (sponsorisé par l’association américaine de la médecine du sommeil) : http://sleepeducation.org/essentials-in-sleep

Etude sur la privation de sommeil avec 11 jeunes hommes en bonne santé. L’article s’intitule « Conséquences métaboliques du sommeil et de la perte de sommeil » : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4444051/

Article en anglais et datant du 7 juillet 2016 sur « Le manque de sommeil pourrait conduire à des maladies inflammatoires comme l’arthrite, la parodontite et même le cancer » rédigé suite à la publication d’une méta-analyse sur le sommeil : https://www.medicaldaily.com/lack-sleep-inflammatory-diseases-arthritis-periodontis-cancer-391321

La méta-anlayse « Troubles du sommeil, durée du sommeil et inflammation : Une revue systématique et une méta-analyse des études de cohorte et de la privation expérimentale de sommeil » publié le 1er juin 2015 : https://www.biologicalpsychiatryjournal.com/article/S0006-3223(15)00437-0/abstract

Article publié le 24 septembre 2017 dans le Guardian et intitulé « Le sommeil devrait être prescrit : ce que ces soirées tardives peuvent vous coûter » : https://www.theguardian.com/lifeandstyle/2017/sep/24/why-lack-of-sleep-health-worst-enemy-matthew-walker-why-we-sleep

Article paru le 20 juin 2017 dans le magazine Forbes et dans lequel un médecin répond à la question : « Qu’arrive-t-il à votre corps si vous dormez moins de six heures par nuit ? » : https://www.forbes.com/sites/quora/2017/06/20/what-happens-to-your-body-if-you-get-fewer-than-six-hours-of-sleep-every-night/?sh=a97f03d39327

Liste de bonnes habitudes pour bien dormir : http://sleepeducation.org/essentials-in-sleep/healthy-sleep-habits

La technique de relaxation musculaire progressive pour réduire le stress et se libérer de l’insomnie : https://www.webmd.com/sleep-disorders/muscle-relaxation-for-stress-insomnia


J’ai regroupé ici mes articles sur la mémoire chez les seniors.
Retrouvez mes autres articles utiles sur l’hygiène de vie.

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